Autour du 22 septembre mes filles (8 ans et demi, 4 ans et demi) ont commencé à demander « Maman c’est quand Noël ? ». Je sais que, si on s’en tienne à la météo, il n’y a rien de l’automne ni, encore moins, de l’hiver dans ces jours à ciel bleu et 28 degrés. Mais moi j’ai déjà commencé à cuisiner avec les épices de Noël…donc la maison sent bon la cannelle, le gingembre, le clou de girofle etc., bref ça sent le marché de Noël et donc c’est normal que mes filles me posent ce genre de questions. Même s’il y manque plus ou moins 3 longs mois. Et à force de demander, quelque chose dans la tête a commencé à leur faire penser que, si elles avaient écrit la lettre au père Noël, peut être, Noël serait arrivé plus vite. Je suis donc allée chercher des jolies cartes, des enveloppes, des couleurs et, ensemble, nous avons écrit la fameuse lettre. En faisant aussi du découpage sur les catalogues des petits personnages à monter, qui envahissent, avec leurs souris plastifiés et leurs petits chapeaux –outils-perruques-mains-avec-deux-doigts bref avec leurs petits trucs emmerdants, toute la maison, en me faisant crier de douleur à chaque fois que, pendant la nuit, je me lève et je mets mon pied nu exactement sur la petite fourchette/couronne/épée etc. Nous avons découpé des hôtels, des maisons, des fermes, juste pour que le père Noël ne risque pas de mal comprendre ; nous avons dessiné, colorié, mis les petites lettres dans les enveloppes et écrit des adresses nordiques, sans oublier des salutations pour les rennes. Je regardais mes petites faire tout cela, soulagée, en me disant « malgré l’environnement hostile au père Noël, apparemment la grande est encore sauve pour cet année »…je me trompais. J’ai déjà eu l’occasion, plusieurs fois, de dire tout mon amour pour la France et personne, parmi ce qui me connaissent, mettrait jamais en doute cela. Mais ici c’est plutôt mon énervement que je vais dire. Parce que dans mon amour inconditionnel pour ce pays il y a aussi quelques tâches. En particulier, il y a une grande, énorme différence entre Italie et France que je ne supporte pas : c’est autour du Père Noël. En Italie le Père Noël est sacré. C’est-à-dire que personne n’oserait même pas penser de mal parler de lui, en mettant en doute sa sacrée existence, avec un enfant de moins de 10/11 ans (oui vous avez bien lu, dix/onze, l’âge du collège quoi). Les italiens sont divisés sur beaucoup de choses mais sur cela il y a une solidarité absolue, intergénérationnelle, transversale, je dirais presque génétique : le Père Noël existe, pas des doutes, pas des petits signes, pas des regards d’entente entre adultes ou de clignotement d’yeux détectables par les enfants (ils ne sont pas bêtes). Le Père Noël est comme Dieu, non, même plus, parce qu’il existe aussi pour les athées, agnostiques et toute autre sorte de mécréant, qui, face à la religion du père Noël, baissent leurs défenses et admettent que oui, il existe, il habite au Pôle Nord et même si c’est inexplicable, il prépare en une seule nuit les cadeaux pour tous, vraiment tous, les enfants du monde. Et tout le monde est disponible, face aux enfants, à soutenir cette évidence, à emmener n’importe quelle preuve, argument, thèse et antithèse, à s’habiller en rouge et mettre une barbe blanche, en faisant semblant de ne pas faire du bruit mais en fait en faisant juste le bruit qui sera suffisant à réveiller les enfants pour que dans leur sommeil entrevoient quelque chose de laquelle oui, le matin d’après vont se souvenir, vaguement, mais avec une certaine émotion et ils vont pouvoir dire à leurs copains qu’ils ont vu, eux, les privilégiés, ils ont eu le contact avec cette entité magique. Voici l’Italie. Le pays où l’enfance dure le temps de l’enfance. Bon on pourrait se dire que ça dure trop…c’est tout Italien le phénomène des « bamboccioni », les trentenaires qui habitent chez papa et maman et qui ne veulent pas grandir. Mais ça c’est autre chose. L’enfance en Italie c’est quelque chose de respecté et intouchable et le Père Noël c’est un de ses piliers. Et me voici, avec mes deux filles en France. Naïvement je ne me posais pas le problème. Je pensais que cette transversalité et intouchabilité du Père Noël étaient internationales. Mais non. En France il y a le fameux « âge des raisons », la frontière entre une enfance insouciante et une enfance moins enfance mais plus adultance. En France l’enfance sert à devenir adultes, oui, cela partout mais…en France il faut toujours être meilleurs que les autres, il faut devenir adultes très vite, très tôt, et donc l’enfance, en fait, ça ne sert à rien et il faut la raccourcir. Les phrases clés « il faut grandir, tu dois devenir grande, ohhhhhh que tu es grande, tu fais comme une grande c’est bien »…et l’apriori c’est que dans le fait d’être enfant il y a quelque chose qui n’est pas bien, d’inaccomplis, une incapacité qu’il faut vite abandonner, en faveur d’une adultité raisonnable et raisonnée. L’enfance est déraisonnable, fuit à la compréhension, donc il faut la raccourcir. En France on se prépare. En France il y a des classes préparatoires pour tout, on n’est jamais dans la beauté du présent, on prépare tout les temps quelque chose qui viendra. A l’école les maîtresses sont bonnes quand elles font plus que leur programme pour préparer la classe successive. Les parents sont contents quand les enfants, comme des adultes en miniature, passent leur temps à faire des devoirs…ça ressemble à la vraie vie qu’ils auront au bureau ou ils devront montrer d’être mieux que les autres. Dans cette course à la préparation de l’âge adulte le Père Noel est un obstacle. C’est un encombrement, c’est un gros vieux monsieur qui mène à un monde magique, de jeux, de mystère, qu’il faut abandonner. Vite. Ou ne même jamais toucher. Oui, il y a aussi des parents pour lesquelles le père Noel n’existe jamais. Les cadeaux sont choisis avec les enfants sur internet ou dans un centre commercial. Le Père Noel c’est des bêtises. Pour les autres, inévitablement, à partir de 7 ans le Père Noel n’existe plus. L’enfant doit commencer à s’encadrer. Fini les bêtises. Fini le Père Noel.
Mon soulagement, par rapport au fait que la grande n’ait pas encore été contaminé par cet adultisme, est fini quelques jours après. Un morceau de dialogue, des mots chuchotés qui m’arrivent, la rigolade après avec sa copine. Un regarde furtif à la maman qui était en train de préparer cette Linzer Torte. C’est de ça faute si le dialogue sur Noël a commencé…à cause de son parfum d’orange, cannelle et de Noël. Un rire d’enfants, des regards qui se croisent. « Sschhhht il ne faut pas que la petite sœur l’entend…» …j’en suis pas 100% sure, mais peut être quelque chose a été perdu, à toujours.
Linzertorte de Christophe Felder (recette prise du livre « Les folles tartes de Christophe Felder »)
Pour 2 petites tartes (cercles à tarte de 18 cm de diamètre, moi j’en ai faite une de 26 cm)
Pour la pâte
- 250 g de farine
- 1/2 sachet de levure chimique
- 10 g de cacao en poudre
- 1 pincée de cannelle
- 125 g de sucre semoule
- 125 g de beurre
- 65 g d’amandes hachées
- 1 pincée de sel
- 2 œufs entiers
- le zeste fin d’1 citron
Pour les confitures
Soit vous achetez un pot de confiture de framboises de très bonne qualité (solution que j’ai parcourue) , si non monsieur Felder suggère de faire cela :
- 250 g de framboises entières (fraîches ou surgelées)
- 150 g de sucre semoule
- 100 g de gelée de groseille
- 1 cl de jus de citron
- 350 g de quetsches
- 250 g de sucre semoule
Tamisez ensemble la farine, la levure, le cacao et la cannelle. Versez dans un récipient le sucre semoule, le beurre en morceaux, la farine tamisée, les amandes hachées et la pincée de sel. Commencez à travailler ce mélange à la main en les frottant l’une contre l’autre de manière à bien incorporer le beurre au reste des ingrédients. Continuez jusqu’à l’obtention d’une texture sableuse assez fine. Ajoutez ensuite les deux œufs et le zeste de citron. Mélangez la pâte à l’aide d’une spatule afin d’obtenir un ensemble homogène. Rassemblez-la en une boule que vous enveloppez de film alimentaire. Placez la pâte au réfrigérateur pendant 2 heures (pas moins, la pâte reste trop souple si non)
Pendant ce temps, préparez les confitures. Pour la confiture de framboises, versez les framboises et le sucre dans une casserole et faites chauffer en mélangeant à l’aide d’une spatule. Lorsque le mélange arrive à ébullition, ajoutez la gelée de groseilles et le jus de citron. Refaites bouillir le tout durant 2 minutes sans cesser de remuer. Versez ensuite la confiture dans un récipient bien propre et laissez-la refroidir complètement avant de vous en servir. Pour la confiture de quetsches, coupez-les en deux et ôtez leur noyau. Mettez ensuite les fruits et le sucre dans une casserole et portez à ébullition tout en remuant. Lorsque le mélange est bien cuit, mixez-le légèrement afin d’obtenir une confiture homogène. Versez dans un récipient propre et laissez refroidir. Une fois le temps de repos de la pâte écoulé, préchauffez votre four à 180°C. Farinez légèrement votre plan de travail et étalez la pâte sur une épaisseur de 3 mm environ. Beurrez 2 cercles à tarte de 18 cm de diamètre, avec lesquels vous découperez 2 ronds de pâte. Récupérez les chutes de pâte. Posez les tartes sur une plaque de cuisson recouverte de papier sulfurisé. A l’aide de votre doigt ou d’un pinceau, mouillez légèrement les bords de chaque tarte. Réalisez ensuite 2 boudins de pâte de 55 cm de long environ. Plaquez-les délicatement sur la partie mouillée. Appuyez le boudin légèrement sur les bords du cercle. A l’aide d’une fourchette, piquez les fonds de tarte. Garnissez ensuite les deux tartes avec les confitures que vous lissez en vous aidant d’une petite spatule ou d’une cuillère. Étalez de nouveau la pâte sur 2 mm d’épaisseur et coupez des bandes de 2 cm de large. Décorez le dessus des tartes avec ces bandes en les croisant. Enfournez ensuite pendant une vingtaine de minutes. Laissez refroidir légèrement avant de démouler les tartes.
Un gâteau délicieux que je n’ai mangé qu’une fois mais que je me souviens avoir adoré 🙂
Si je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’en France il faut devenir adultes trop vite et trop tôt (ce que je trouve plutôt négatif notamment dans la manière dont on vit l’école), en réalité je ne trouve pas que le mythe du père Noël tel qu’il existe soit si nécessaire que cela.
Enfant chez moi, il y avait « les » pères-noël (celui de papa-maman, celui de papi-mamie et ainsi de suite). Nous savions que ça n’avait rien de magique (j’ai tout de même envoyé consciencieusement mes lettres au père Noël) et les cadeaux étaient des attentions de nos proches mais cela ne m’a pas empêché d’adorer Noël et la magie qui entoure la fête 🙂
Aujourd’hui j’ai plus de trente ans et je suis toujours une grande fan de la période de Noël ^_^
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🙂 merci pour ton commentaire…que la magie soit gardé, c’est exactement ce que j’espère pour mes filles aussi, sans ou avec Père Noel…et oui, le gâteau est extra, avec cet richesse olfactive chargée de souvenirs
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Bonjour Sylvia, J’aime beaucoup ton « coup de gueule ». Je l’ai vécu avec ma fille. Elle adorait croire à cette histoire et y a crue jusqu’à 9 ans environ. Je devais me battre constamment avec ses amis à la maison et ma belle mère qui fait partie de ses adultudes qui n’adhèrent pas à cette histoire et voulait « voler » cette lumière qui illuminait les yeux de ma fille et son visage en cette période de Noël. Mais je ne pouvais pas me battre avec les camarades de classe et surveiller ce qui se disait dans la cour de récréation. Donc, quand en CM2 Lara m’a posé la question pour être sûre (elle savait déjà la réponse), c’est le coeur fendu que j’ai dû dire la vérité. Elle avait toutefois tellement envie de continuer à y croire. Elle était soulagée car en grandissant, elle avait bien compris que certaines choses n’étaient réellement pas possible sans magie.
Je suis d’accord avec toi, l’enfance c’est sacrée, la rêverie et l’imagination sont nécessaires à la construction de l’adulte en devenir. Il ne faut pas voler cette période. Malheureusement, avec la TV et Internet, c’est pas toujours possible. En tant que parents, nous ne devons jamais baisser la garde mais nous devons aussi être attentifs aux besoins de notre enfant et savoir y répondre en douceur. C’est aussi un challenge.
Cette tarte évoque bien cette période de Noël, même si le trouve un peu trop sucrée à mon goût. Si tu veux, nous pouvons, un après-midi d’hiver confectionner des gâteaux de Noël avec nos filles selon la pure tradition allemande. A la maison, j’ai de la place :). Bisous.
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merci Patricia pour ton beau commentaire et pour ta proposition (petite maison en pain d’épice? je cherche les emporte pièces depuis un moment et j’ai vu une façon géniale de se les faire faits maison!!!). Sur le thème de mon billet, je suis passée de l’incrédulité à la rage parce que j’y trouve vraiment un fond de méchanceté, d’envie,de violence bref pas du tout des bons sentiments envers l’enfance. Après je sais qu’il y a pire problèmes mais je ne pensais pas de devoir me confronter à cela et je trouve le comportement de la société française vis à vis du Père Noel (et des enfants en général) d’un cynisme insupportable. Cette course à devenir adulte me semble injuste, de tout en plus que l’enfance elle dure combien sur la vie d’une femme/homme? un dixième du temps et après on a tout le temps pour vivre en adultes, pourquoi vouloir voler ces années magiques??? plein de bisous à toi et à ta « petite » 🙂
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Merci pour votre point de vue et cette recette. Noël approche et la magie va s’installer peu à peu. Le sucre d’orge en fait notamment partie. Retrouvez son histoire en cliquant ou en copiant collant le lien suivant : http://www.misspopcake.com/blog/entry/205-La-petite-histoire-du-sucre-d%27orge
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Merci!
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Ping : Pandoro (gâteau de Noel italien) des Sorelle Simili de Bologna | Blog de cuisine de l'AMAP Belles Fontaines de la vallée
Salut Silvia,
N’oublions pas qu’en France (et sans doute en Italie), beaucoup d’enfants ont été terrorisés par le Père Fouettard, l’Ogre et autres croque mitaines. Certains secrets méritent d’être levés le plus tôt possible.
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ah non Fred il faut faire des distinctions pas des amalgames. Le Père Noel c’est l’attente, c’est la magie, c’est le mystère et c’est l’enfance…a quoi bon lever le secret? en Italie aussi nous avons la Befana mais ce n’est pas pour cela que les enfants ont peur du Père Noel…il y a les ogres mais il y a aussi les gentils et je trouve que de faire la distinction c’est mieux que d’enlever tout
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